LA MOUSSE
De plus en plus souvent, les sapeurs-pompiers ont à faire face
à des feux spécifiques sur lesquels l'eau, sous la forme
classique, est inopérante et même parfois contre-indiquée.
Dans les grandes villes, ils peuvent être amenés à
combattre des feux de toutes natures et leur équipement doit être
conçu en conséquence. Même en milieu rural, l'essor
de l'industrie, impliquant un accroissement considérable des transports
de diverses matières dangereuses, oblige à prévoir
des interventions où l'eau n'a pratiquement plus sa place.
On peut affirmer sans risque d'exagérer que parmi les agents
extincteurs modernes, la mousse occupe la première place.
La mousse est un assemblage de bulles qui enferme une atmosphère
gazeuse (généralement de l'air) emprisonné dans une
paroi mince (film) de solution moussante (agent extincteur). En fait, il
s'agit d'un artifice pour amener de la solution moussante à la surface
d'un liquide et de la maintenir. L'avantage primordial de la mousse réside
dans sa densité, lui permettant de flotter à la surface des
liquides. Elle agit par l'étouffement, isolement et refroidissement
sur les liquides en feu.
Elle bloque préventivement l'émission de gaz d'un liquide
qui ne brûle pas et elle crée un écran contre le rayonnement.
La fabrication de la mousse engendre une maîtrise parfaite:
-
de la pression de l'eau
-
du débit de l'eau
-
du dosage de l'émulsifiant
-
du taux d'application
-
de l'adjonction d'air
-
de la technique utilisée
La pression de l'eau est un facteur déterminant pour assurer le
bon fonctionnement des mélangeurs et des lances. Une pression insuffisante
ne permet aucun mélange alors qu'une pression trop forte nuit à
la qualité de la mousse.
Le débit de l'eau est aussi important que la pression pour obtenir
une production de mousse de qualité. Il doit correspondre aux caractéristiques
du système de mélange et des lances utilisées.
Le dosage est la quantité d'émulsifiant que l'on ajoute
à l'eau pour diposer de la solution moussante. Il varie d'un émulsifiant
à l'autre. Pour les liquides inflammable, en fonction des difficultés
d'extinction, nous retiendrons deux grandes familles:
-
Les hydrocarbures ou liquides non solubles dans l'eau
-
Les produits polaires ou liquides solubles dans l'eau
A titre d'exemple, les émulsifiants sont utilisés selon les
dosages suivants:
-
3% pour les hydrocarbures
-
6% pour les produits polaires
Le mélange eau/émulsifiant peut s'effectuer de différentes
manières. En principe, on utilise des mélangeurs à
Venturi. Ils peuvent être fixés sur un véhicule ou
mobile (à installer sur une conduite de refoulement en tuyau souple).
Cependant dans ce dernier cas, une perte de charge est impotante (30-50%).
Avec l'arrivée des nouveaux émulsifiants polyvalents, il
a fallu modifier le système de mélange. Il existe des systèmes
à injections: cette fois, il ne s'agit plus d'aspirer l'émulsifiant
par le passage de l'eau dans un Venturi, mais de l'injecter sous pression.
L'avantage de ce dernier système permet de réduire la perte
de charge.
Le taux d'application est le nombre de litres de solution moussante,
par minute et par m2 de la nappe de feu, nécessaire à l'extinction.
Dans tous les cas, il doit dépasser les pertes inhérentes
à la décantation, la contamination, la projection... on appelle
"taux critique d'application" le taux au-dessous duquel il ne sera plus
possible de pratiquer une extinction. En général le taux
d'application est exprmé en l/mn/m2 de solution moussante pour les
mousses lourdes et moyennes. A titre d'exemple, nous retiendrons les taux
d'applications suivants:
-
6 l/mn/m2 pour les hydrocarbures
-
10 l/mn/m2 pour les produits polaires
Avec les moyens actuels, il est possible d'intervenir sur environ 50 m2
avec une tonne-pompe et 200 m2 avec une grande puissance.
De l'adjonction d'air dépend le foisonnement. Le foisonnement
est le rapport entre le volume de mousse produite (m3/mn) et la quantité
de solution moussante (l/mn) nécessaire à sa formation. A
titre d'exemple, si nous produisons 1,4 m3 de mousse en 1 minute en utilisant
200 litres de solution moussante, nous avons alors un foisonnement de 7
(1400:200=7).
En fonction du foisonnement, on distingue trois genres de mousse:
-
La mousse lourde (bas foisonnement de 1 à 20)
-
La mousse moyenne (moyen foisonnement de 21 à 200)
-
La mousse légère (haut foisonnement supérieur à
200)
La mousse lourde est généralement destinée aux interventions
extérieures et pour une première attaque sur un feu ayant
un fort rayonnement thermique. L'épaisseur de la couche sera d'environ
10 cm pour garantir une action efficace. La portée approximative
d'une lance à main (200 l/mn) est d'une vingtaine de mètres
et celle d'une lance-canon (2'000 l/mn) d'une soixantaine de mètres.
La mousse lourde est essentiellement utilisée pour la lutte contre
les incendies de tous types de liquides inflammables. L'extinction est
ainsi produite:
-
Par isolement, la mousse crée une couverture isolante qui empêche
les gaz ou vapeurs de venir au contact de l'air ambiant.
-
Par refroidissement, l'eau contenue dans la mousese provoque une action
de refroidissement.
La mousse moyenne est généralement destinée aux feux
survenant dans une enceinte et lorsque l'approche est possible sans danger
.On l'utilisera surtout pour consolider une extinction faite à la
mousse lourde ou préventivement sur une nappe de liquide. L'épaisseur
de mousse varie entre 20 à 50 cm selon le foisonnement .La portée
approximative d'une lance à main est de 5 mètres et celle
d'une lance-canon ne peut aller au-delà de 10 mètres. La
façon d'agir dépend de son utilisation. Elle s'apparente
soit à la mousse lourde, soit à la mousse légère.
La mousse légère est presque essentiellement utilisée
pour les feux en espace clos. Dans ce cas, ce n'est plus une lance qui
sera utilisé, mais un générateur. Il s'agit d'un gros
ventilateur munis d'un tamis contre lequel est pulvérisé
la solution moussante. Le courant d'air provoqué par le ventilateur
traverse le tamis imprégné et nous assistons à la
naissance de bulles qui sont ensuite guidées par une gaine. L'un
des avantages de la mousse légère est de faire disparaître
assez rapidement la fumée et d'abaisser la chaleur ambiante. La
mousse légère étant essentiellement utilisée
sur les feux de classe A et également en espace clos, l'extinction
a lieu de trois façons:
-
Par isolement, le déversement de ce type de mousse isole le feu
de l'air ambiant, freinant ainsi la combustion jusqu'à l'arrêt
total.
-
Par refroidissement, l'évaporation de l'eau contenue dans la mousse
provoque un effet de refroidissement.
-
Par étouffement, en s'évaporant, l'eau enrichit l'air en
vapeur d'eau diminuant ainsi sa teneur en oxygène, laquelle finit
par être suffisamment basse pour ne plus entretenir la combustion.
La technique utilisée. Il s'agit là de la méthode
utilisée pour répandre la mousse sur le foyer. Deux principales
méthodes sont utilisées:
-
L'application douce qui consiste en l'épandage de façon indirecte
ou progressive sur le foyer.
-
L'application violente ou directe où la mousse est projetée
directement dans le foyer.
Les émulsifiants
On distingue deux grandes familles d'émulsifiants:
-
ceux à base protéiniques obtenus par hydrolyse (décomposition)
de protéines animales ou végétales
-
ceux à base synthétiques issus de l'industrie chimique
-
Les émulsifiants protéiniques ordinaires: ces émulsifiants
ne produisent que des mousses lourdes, et sa décantation est lente.
Cette mousse convient très bien pour le recouvrement.
-
Les émulsifiants fluoroprotéiniques: dans une première
étape, l'incorporation d'un tensioactif fluoré a permis de
rendre les mousses compatibles avec les poudres extinctrices. Dans un deuxième
temps, elle a permis d'augmenter les performances extinctrices et la résistance
à la contamination. Si le foisonnement et la vitesse de décantation
fluoroprotéinique sont semblables à ceux des mousses protéiniques,
elles sont caractérisées par une meilleure fluidité.
Cet émulsifiant s'avère plus efficace qu'un émulsifiant
classique dans les conditions de feu difficile.
-
Les émulsifiants synthétiques ordinaires: même à
faible concentration, les émulsifiants à base synthétiques
produisent des mousses à bas foisonnement. A une vitesse de décantation
lente et une bonne fluidité. On peut également produire des
mousses à moyen et à haut foisonnement.
-
Les émulsifiants fluorosynthétiques: ces émulsifiants
sont des produits à base moussante synthétiques dotés
par des tensioactifs fluorés. On a ajouté ces tensioactifs
pour renforcer la résistance à la contamination par des hydrocarbures
surtout lors d'applications violentes.
-
Les émulsifiants synthétiques AFFF (Agent Formant un Film
Flottant). Les émulsifiants synthétiques A3F agissent tout
d'abord comme les émulsifiants classiques, en donnant une couche
qui isole le foyer de l'air ambiant. La décantation de la mousse
donne naissance à un film aqueux qui en raison de sa constitution
chimique flotte à la surface des hydrocarbures en s'opposant à
l'émission des vapeurs.
L'arrivée sur le marché des A3F peut être considéré
comme une des grandes étapes dans la lutte contre les feux d'hydrocarbures.
Ces mousses possèdent, à haut niveau, la propriété
de résister à la contamination par les hydrocarbures ce qui
permet de la projeter sans ménagement sur le foyer. Cette caractéristique
à celle de former un film flottant a pour conséquence de
pouvoir abaisser nettement le taux d'application par rapport aux émulsifiants
conventionnels.
-
Les émulsifiants polyvalents: les seules restrictions dans la similitude
des qualités entre émulsifiants polyvalents et non polyvalents
proviennent du foisonnement et de la sensibilité au froid. En effet,
il est très difficile de trouver actuellement un émulsifiant
polyvalent qui foisonne au dessus de 1:700. L'autre difficulté provient
de la sensibilité au froid, il deviennent moins fluide et ont tendance
à se transformer en gel à l'approche du 0°C.
Sur les hydrocarbures, la décantation de la mousse engendre la formation
d'un film flottant. Sur les produits polaires, la décantation de
la mousse produit un gel.
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